Boulanger or professeur FLE : that is the question...

Bob Trucmuche sortit une magnifique paire de miches (de pain) de son tout nouveau Breadbaker 2000" et les contempla avec satisfaction ! ça y était : comme l'avait suggéré le manuel du parfait petit boulanger incorporé dans la boîte de son nouvel appareil, il pouvait désormais confectionner lui-même l'aliment de base composant le menu de toutes les générations de Français qui s'étaient succédé jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale, et qui constitue encore l'un des symboles de la notoriété française à l'étranger. Fier comme un politicien qui a détourné son premier million, il se mit à fredonner la Marseillaise et, se plantant devant sa petite amie comme un exhibitionniste pervers, il lui exhiba l'objet de sa fierté. Celle-ci, assise en tailleur comme une pouf sur un pouf, feuilletait d'un air dégoûté une brochure de l'Alliance Française.
- T'as vu mes miches?
- Ouais ? attends : je regarde les tarifs de cette prétendue école non conventionnée qui affiche "établissement d'enseignement supérieur privé" et qui n'est, en fait, qu'une assoce à 2 balles.
- Mate : c'est comme si je les avais achetées !
- Ouais, ouais, dit Marceline d'un air détaché car, en fait, elle n'en avait strictement rien à battre des miches toute chaudes de son concubin. T'as qu'à devenir boulanger! ça te rapportera certainement plus de blé que cette assoce où tu bosses, si tu veux mon avis.
Un éclair d'intelligence traversa la tête de Bob aussitôt que la compagne de ses jours (et de certaines de ses nuits) eut lancé ce trait d'une rare intelligence. Mais bon sang, c'est bien sûr : il allait vendre du pain et devenir boulanger pour compléter les maigres heures qu'avait daigné lui donner l'Alliance Française de XYZ. Ainsi, en plus d'avoir un master de FLE, une maîtrise d'anglais, de savoir parler le mandarin, le javanais, le finlandais et l'ossète (du Nord, hein?, pas du Sud : faut pas tout mélanger), de maîtriser Photoshop et de créer des sites Internet, IL SAURAIT AUSSI FAIRE DU PAIN!!!
Cette scène fictive prendrait place de nos jours, à l'heure où chacun pense pouvoir tout faire avec une formation de 10 heures, pause déjeuner comprise. Un peu comme ses retraités qui, pensant savoir ce qu'est une langue et n'ayant plus rien à foutre de leurs 5 dents, croient pouvoir préparer des immigrés au DILF (diplôme initial de langue française), le dernier né des scribouillards franchouillards du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale, du développement solidaire et des bigoudis à ta mère, pour ralentir l'installation d'une population étrangère désireuse de vivre en France (et je vous arrête tout de suite : on s'en fout des motivations de la dite population puisque, nous aussi les Frenchies, parfois, on va s'installer ailleurs et qu'on est bien content d'y être accueilli). Alors, en gros, voici le discours du gouvernement aux Etrangers : passe un diplôme qui me montre que tu parles bien la France, sale bronzé (ce qui sera sans doute très utile pour balayer par terre et vider mes poubelles) et ferme ta g..., sauf pour parler la langue de Molière. Deux constats s'imposent :
  • D'abord, les scribouillards sus-mentionnés n'ont jamais dévissé leur derche du fauteuil molletonné qui compresse leurs varices et empêche leur cellulite de dégouliner, sinon ils sauraient déjà que tout Etranger (avec ou sans papier) s'efforce d'apprendre la Bêle Langue Françoise, condition sine qua non de son installation. C'est vrai que l'immigré en question laisse de côté les accords du participe passé mais, franchement, quand on voit qu'il y a sans doute 7 morveux de bacheliers sur 10 qui ne savent pas appliquer cette règle (et ils sont bien, bien blond-blanc-français-tout-conneaux), on s'en tamponne l'os rectal.
  • Ensuite, on ne peut que déplorer l'indifférence dans laquelle sont laissés les professeurs de FLE (vous m'avez bien entendu : je ne suis pas "formateur en langue", je suis bien professeur). Formés par les universités (françoises) et rompus aux techniques de l'enseignement, ils sont pourtant royalement ignorés dans ce processus d'Alphas bêtisation. Pourtant, quand il s'agit de s'en foutre plein les fouilles dans les Alliances du monde et de faire rayonner la culture élitiste de cette France virtuelle (elle n'existe que dans les livres d'Histoire, lesquels sont conçus pour bourrer le mou à nos chers petits chérubins), les plouctocrates sont bien contents d'exploiter leurs ouailles avec des contrats bidon et un vide totale de règlementations concernant le code du travail.

En bref, à l'Etranger, les professeurs sont traités comme de la fiente, et en France, ils sont considérés comme de la sous-fiente, puisque même un retraité peut faire leur boulot (alors que les dits retraités n'oseraient jamais prendre le boulot d'un éboueur, par exemple). J'en ai d'ailleurs eu un exemple ce soir, à la téloche, en regardant Questions Pour Un Croupion. Une des candidates, retraitée, bossait dans une assoce comme "professeur" de français... aux étrangers. Bien sûr, c'est "presque" du bénévolat, ce qui donne à cette respectable dame beaucoup de dignité, un peu comme ces membres de l'AF qui y connaissent dégun en matière d'éducation et en langage, mais qui prennent des décisions pour une équipe de professionnels.

D'ailleurs, si vous y réfléchissez deux minutes, les Alliances Françaises ne sont guère différentes de cette "école" où travaille la personne que j'ai mentionnée, je veux dire celle qui nous pique notre job : elles n'ont aucun statut juridique, pas de convention collective, ne sont pas reconnues pas l'Etat comme organisme d'enseignement et, techniquement, n'emploient pas d'enseignants mais seulement des "salariés". Ainsi, comme Bob qui prétend être boulanger, n'importe quel quidam peut prétendre travailler dans une alliance et occuper la position d'un professeur qui a pourtant étudié pendant cinq ans à la fac et qui a plusieurs années d'expérience. Sauf que, pour être boulanger, la loi dit qu'il faut avoir un CAP. Je ne vois donc pas pourquoi, aux yeux de la loi, le diplôme de FLE ne serait pas obligatoire pour enseigner le français à des personnes étrangères dignes de recevoir un enseignement de qualité, et pas une formation à trois balles, façon Mauger bleu et "Mamadou-tu-m'apprendras-la-règle-du-participe-passé-pour-demain".
Cela étant dit, concernant les Alliances Françaises, ne soyons pas naïfs : les Alliances Françaises, associations, SONT des émanations du gouvernement. En effet, par qui le délégué général des Alliances est-il nommé, je vous le donne en 101? Non, pas par ma mère ( la pauvre). Allez : j'offre une semaine de cours de français donnée par un retraité dans une Alliance Française à qui me donnera la réponse. Cela vaut le coup de participer, non?

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